Dans la vie il faut savoir dire JE ... et M... !

Après Fatou Diome il y a deux ans (qui nous avait déjà donné le goût de cette chaleur humaine et de cette gestuelle si expressive) nous avons eu la chance d’accueillir à notre école une autre écrivaine importante du continent africain, Ken Bugul.
Le matin, une estrade avec table et chaise avait été mise en place pour la conférencière. Eh bien, peine perdue ! Dès son arrivée dans la salle, l’écrivaine s’est spontanément postée debout devant le public, comme si elle voulait tout de suite être plus proche de ses auditeurs et d’emblée se placer au même niveau qu’eux.

Deux fois, le matin et l’après-midi, Ken Bugul s’est adressée à près de 200 élèves au total, dans deux exposés fortement autobiographiques (comme ses livres) qui - inutile de faire des comparaisons – ont été bien différents mais aussi parfaitement complémentaires. Alors que le matin elle nous avait fait suivre tout son parcours jalonné de ruptures douloureuses – de l’abandon par sa mère jusqu’à sa position de femme indépendante, en passant par la redécouverte de ses origines africaines après l’aliénation européenne –, l’après-midi Ken Bugul a parlé d’une manière plus générale mais non moins passionnante de sa vision optimiste de la vie humaine, à travers quelques notions-clés: dynamique (de la recherche qui refuse les définitions définitives), liberté (de l’IN-DI-VI-DU !), solitude (à ne pas confondre avec l’isolement, „on peut être seuls ensemble“), courage (de la subversion et de dire JE), souvenirs évacués grâce à l’écriture („je n’ai pas de back-up!“), amour (des chats, des hommes, des livres, des arbres - qu’elle aime embrasser depuis son enfance solitaire -, de TOUT). Les deux fois, le matin et l’après-midi, la salle, plongée dans un silence concentré, était totalement sous le charme juvénile de l’humour, de l’auto-ironie et de la sagesse de l’écrivaine, âgée de 67 ans. Un spectacle inoubliable (des deux côtés de la salle) !

Pour conclure les deux rendez-vous, l’invitée s’est volontiers prêtée au jeu de questions-réponses (et des dédicaces). Pour dire quel était le meilleur moment de sa vie, elle a répondu sans hésiter : „Ici, maintenant, avec vous.“ Et les conversations généreuses et souriantes, improvisées à l’issue des deux conférences, prouvent bien que ce n’était pas des paroles en l’air. On sait que Ken Bugul, le nom de plume de l’écrivain, signifie „Personne n’en veut“. Eh bien, nous à Wettingen, Ken Bugul, on en redemande ! D’ailleurs le prochain rendez-vous est déjà pris...